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One:
Le noir, le juif et les stéréotypes
Partant du roman «Oliver Twist», Eisner s'attaque aux stéréotypes, y compris ceux qu'il a véhiculés par le passé dans «Le Spirit».
Ariel Herbez
Vendredi 7 janvier 2005
Rubrique: culture
Avec Fagin le Juif, paru l'automne dernier en français aux éditions Delcourt, Will Eisner a tenté de se répondre à lui-même, au-delà des années, et à son personnage stéréotypé d'Ebony («ébène»), qui parlait «petit nègre» et jouait le rôle de contrepoint humoristique au Spirit. A l'époque, Eisner n'avait aucune intention raciste et ne faisait qu'utiliser «les caricatures stéréotypées admises par l'époque». Tout comme Charles Dickens, avec son personnage sinistre de Fagin le Juif, dans Oliver Twist, n'avait pas l'intention de dénigrer le peuple juif. Pourtant, souligne Eisner, avec le succès de ce roman, ses illustrations originales et sa diffusion dans la jeunesse, «Fagin est devenu un «type» de juif qui s'est gravé dans la culture et les préjugés populaires». Même la tentative de Dickens en 1867, vingt ans plus tard, de gommer l'essentiel des références juives de Fagin dans une nouvelle édition, à la suite d'une plainte d'une épouse de banquier juif, a été vaine.
Eisner, qui a beaucoup réfléchi à son art et l'a longtemps enseigné (ses deux livres La bande dessinée, art séquentiel et Le récit graphique, narration et bande dessinée, traduits en français chez Vertige Graphic, sont exceptionnels), ne pouvait manquer de prendre conscience, au fil des années, des ravages des stéréotypes en tous genres dans un art aussi populaire. Après la guerre, il a traité son personnage d'Ebony avec plus de sensibilité, pour finalement le remplacer par un Eskimo, puis par un jeune blanc, en réalisant que sa «rage» contre l'antisémitisme dans l'art et la littérature pouvait aussi se tourner vers son propre traitement stéréotypé des Noirs américains.
Avec Fagan le Juif, Eisner n'a pas réalisé une adaptation d'Oliver Twist, avertit-il. Il imagine ce qu'a été la vie de misère, de racisme et de désillusions de Fagin pour qu'il se retrouve receleur et exploiteur dans les bas-fonds de Londres. Dans la première image, le misérable apostrophe Dickens pour lui raconter son histoire «tue et négligée» par le livre. Pour contrer, comme l'écrit Eisner, «un exemple indubitable de diffamation visuelle en littérature classique».
© Le Temps, 2005. Droits de reproduction et de diffusion réservés.